S'INSTALLER EN COLOMBIE
L'HISTOIRE DE CLÉMENCE, ENTREPRENEUSE TENACE
Publié le 16/01/2020
C'est par hasard que Clémence a découvert la Colombie. Elle en est tombée amoureuse, a décidé de venir s'y installer, d'y trouver un travail puis finalement de lancer son propre business. Tellement de chemin parcouru en si peu de temps !
Peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Clémence, je viens de souffler mes 31 bougies. Je suis champenoise, mais je vis depuis trois ans et demi à Medellín en Colombie. Trois choses que j’aime dans la vie : les voyages, les animaux (surtout les chats), et faire du vélo en ville ou à la campagne. Je ne me sépare jamais de mon vélo pliable et comme le cyclisme est un sport national en Colombie, il y a de plus en plus d’infrastructures et d’évènements autour de ce sport.
Pourquoi as-tu décidé d’aller en Colombie ?
Il y a environ 4 ans, j’ai été invitée à Bogotá au mariage de mes amis Laetitia et Nicolas. C’était la première fois que je mettais les pieds en Amérique du Sud, je ne parlais pas espagnol. J’ai passé un séjour exceptionnel : déjà parce que c’était le mariage de ma pote, de l’autre côté de l’Atlantique et puis j’ai adoré l’ambiance colombienne : les gens, l’ambiance sonore, les couleurs, les odeurs, la culture, l’histoire. Un grand dépaysement ! C’est difficile à expliquer, mais ce voyage m’a chamboulé le cerveau et m’a fait me souvenir de mes années d’échanges universitaires et de stages à l’étranger. Ça me manquait : vivre l’apprentissage d’une nouvelle culture, langue, histoire, façon de vivre. C’est passionnant de vivre ça chaque jour et pas seulement pendant 6 mois ou quand on est en vacances. Moi, j’ai besoin d’une vie comme ça, peut-être parce que j’ai tendance à vite m’ennuyer.
Tu pensais venir pour y vivre ou juste pour passer quelques vacances ?
L’idée de départ était de partir un an pour voyager, apprendre l’espagnol, puis on verra... Et le temps a filé comme une flèche. Un premier job, un petit ami, un voyage par-ci puis une autre opportunité professionnelle et un autre petit ami, un voyage par-là puis l’entreprenariat, .. Et voilà, bientôt 4 ans aujourd'hui !
C’était la première fois que tu vivais à l’étranger ?
Vivre à l’étranger c’est un peu l’histoire de ma vie. J’ai beaucoup voyagé avec mes parents puis lors de mes études en écoles de commerce, je suis partie 4 fois vivre à l’étranger : la Norvège, la Lettonie, la Suède et la Russie. J’ai étudié le management touristique en licence puis j’ai fait un Master plus tourné vers les affaires internationales. J’avais l’envie professionnelle d’ouvrir un établissement touristique. J’avais besoin de ce Master pour développer mes connaissances sur la gestion d’entreprise et j’avais besoin d’expérience pro pour savoir quelle branche du tourisme m’attirait le plus (agence de voyages, agence réceptive, hôtellerie... le secteur est large). Après mes études, j’ai rencontré un garçon et nous avons vécu à Paris. J’ai un peu mis de côté mes projets pros mais sans m’en rendre vraiment compte. Je ne regrette pas cette période-là. Et puis, la Colombie est arrivée dans ma vie...
Comment ta famille a réagi quand tu leur as annoncé ton départ ?
Très positivement. Mes parents m’ont toujours poussée à partir à l’étranger et ils voyaient que je n’étais pas heureuse à Paris. Pendant mes études, Paris c’était fun mais après quand tu commences à bosser, c’est différent. Je me sentais très oppressée. Paris restera toujours pour moi la plus belle ville du monde mais pour y vivre, plus jamais. Tout est trop : trop cher, trop de monde, trop de voitures, trop de pollutions, etc.
A l’époque où je suis partie en Colombie pour le mariage de mon amie, on commençait à entendre parler positivement de la Colombie à la télé, sur internet, dans les journaux. Mes parents n’étaient pas inquiets de me voir partir. D’autres membres de la famille et amis m’ont bien sûr dit que j’étais folle de partir là-bas, c’est normal, le pays a une mauvaise réputation qui lui colle un peu à la peau mais ça change petit à petit. Maintenant la Colombie est l’un des pays les plus tendances à visiter dans le monde...
Est-ce que quelque chose t’a surprise quand tu es arrivée en Colombie ?
La tranquillité des gens. A Bogotá, c’est un peu différent car c’est la capitale mais dans le reste de la Colombie, les gens sont tranquilos. Jamais pressés, surtout pas stressés, souvent en retard au rendez-vous... On s’y habitue mais une expérience m’a vite calmée : peu de temps après mon arrivée, je vais au supermarché. Je me dirige vers la caisse, je vois une longue file d’attente. La caissière parle avec sa collègue, avec le client. À Paris, dans ce cas, on exprime son mécontentement. Alors je me mets à souffler et râler, histoire de bien montrer qu’il faut accélérer et j’étais persuadée que les autres personnes qui étaient dans la file d’attente allaient être d’accord avec moi. Mais pas du tout ! Au contraire, les gens se sont effectivement retournés mais en me lançant des regards noirs. En fait j’avais complètement manqué de respect à cette caissière. Je devais attendre tranquillement comme tout le monde. Après tout, cette caissière a raison, elle favorise la relation client, elle ne se stresse pas au travail. Un peu bornée, j’envoie un message WhatsApp à ma mère en lui expliquant ce qu’il s’est passé et j’ai reçu un message inattendu. Elle m’a dit « Clémence, reste zen, tu n’es plus à Paris ». Cela m’a fortement marqué et puis on s’habitue à ce rythme moins stressant. Mais bon, j’ai quand même encore du mal avec le manque de ponctualité (parfois exagéré) ou les faux- plans.
Quel a été le moment où tu t’es dit que tu allais rester vivre ici ?
Je ne me suis pas vraiment posée la question, les années ont défilé assez rapidement. Cela dit, à partir du moment où j’ai trouvé mon premier vrai travail avec un visa de travail, je me suis dit que je n’allais pas rentrer de suite.
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Et pourquoi Medellín et pas une autre ville en Colombie ?
J'ai tout d'abord découvert Bogotá. C’était dépaysant mais quand je suis revenue trois mois plus tard pour m’installer, je suis partie vers Medellín car je connaissais la famille de Nicolas qui habitait là-bas et j’ai fait « woah » en arrivant, cette ville est vraiment agréable.
Bogotá me fait vraiment trop penser à Paris en terme d’atmosphère, mais je dois avouer que plus j’y vais plus j’aime cette ville. Mon amie Charlotte connaît bien la scène culturelle et les nouveaux lieux assez cools et à chaque voyage à Bogotá, je découvre un peu plus. J’ai visité une grande partie de la Colombie mais il y a encore beaucoup d’endroits qui me reste à découvrir (l’Amazonie, la Guajira, la côte Pacifique, los Llanos..). Chaque fois que je pars dans une autre ville, Medellín me manque, je compare les deux villes et finalement j’ai hâte de rentrer à Medellín.
Quelle est la chose la plus folle qui te soit arrivée ici ?
Casa Cliché ! Vous allez dire qu'effectivement, je ne pense qu’au boulot... Pour le temps qu’on y passe dans notre vie, ça a toujours été important pour moi d’être épanouie dans mon travail. Mon projet pro était d’ouvrir un établissement touristique mais lequel ? Seule ? Où ? comment ? Avec quel visa ?
Début octobre 2018, mes amis Adrien et Sylvain, les patrons du Café Cliché (le bar le plus cool de Medellín ^^) m’ont proposé de travailler avec eux sur le projet Casa Cliché, une auberge à l’image du café : comme à la maison, décoration faite avec des meubles de seconde main, ambiance chill, lieu culturel et d’échange, galerie, ambiance familiale et amicale... Ce beau projet m’a même donné envie d’investir et de m’associer avec eux. Le 8 juillet 2019, nous avons donc ouvert l’auberge et ça marche plutôt pas mal. C’est beaucoup de travail et de sacrifices mais les résultats sont là !
Est-ce que tu as vécu une mauvaise expérience ?
Professionnellement, pas mal de mauvaises expériences mais je suis assez tenace. Pour les premiers boulots que j’ai fait, on ne m’a pas payé ou très peu. Pour d’autres jobs, il y avait des gros problèmes de management.
Niveau santé aussi. Je suis partie en Colombie en bonne santé mais je suis arrivée en Colombie avec une pneumonie. J’aurais soit disant attrapé cela dans l’avion ou dans l’aéroport à cause de la clim. J’ai fait des passages dans trois hôpitaux différents avant que les médecins trouvent enfin ce qu’il m’arrivait ; donc j’ai finalement été hospitalisée trois jours. Après cela, mon corps a dû s’affaiblir et j’ai attrapé de nombreuses infections (urinaire, pulmonaire, oculaire, un vrai bonheur...). À un moment, entre tous les problèmes de santé, les patrons qui se moquaient de moi et les déceptions sentimentales, j’ai bien failli rentrer en France. Ma valise était prête mais plusieurs amies m’ont fait changer d’avis au dernier moment.
Comment tu t’en sors financièrement ?
Si tu travailles en Colombie en tant qu’expat pour une entreprise étrangere, tu es le roi du pétrole. Malheureusement ce sont des places rares. Mon niveau de vie a radicalement baissé en comparaison avec ma vie en France, il y a beaucoup de privations (mode, nourriture, voyage). J’ai beaucoup perdu. J’aimerais bien mettre de l’argent de coté, voyager, me faire les bons restaurants de Medellín mais pour l’instant ça n’est pas possible et en fait ça a très rarement été possible depuis que je vis en Colombie. Quand tu vis à deux, c’est plus facile de mieux vivre, mais je suis souvent en couple avec le célibat.
Du coup mon rapport à l’argent a changé. Je fais beaucoup plus attention et ça n’est pas plus mal car j’étais très dépensière avant de m’installer en Colombie. Je pense que si un jour je quitte la Colombie, ce sera à cause de ce niveau de vie mais j’ai beaucoup d’espoir, je me dis toujours que ça va s’arranger...
Qu’est-ce que tu as appris sur toi-même depuis ton expatriation ?
Vivre ici m’a changé mon caractère. À force de se prendre des claques, je suis devenue plus autoritaire et j’ai un plus fort caractère, je ne me laisse plus faire...
Une rencontre en particulier t’a marqué ?
Plusieurs belles rencontres oui. Mes amies Charlotte et Angelica qui sont maintenant comme mes sœurs. Mes associés Adrien et Sylvain et leurs compagnes. On s’est rencontrés à Medellín et on s’est toujours côtoyés, filés des coups de main jusqu’au jour où l’on a décidé de travailler ensemble.
Est-ce que tu ressens le mal du pays des fois ?
Il y a seulement deux choses qui me manquent : ma famille et la gastronomie française. On a quand même un vrai talent pour la bonne cuisine en France, du jamais vu ailleurs (en tout cas, pas à ce niveau). Je suis un peu chauvine sur ce sujet.
Est-ce que tu t’es senti en danger à certains moments ?
Je ne me suis jamais sentie en insécurité. Je fais attention, j’ai laissé la plupart de mes affaires précieuses en France ou je les ai revendues pour financer mon voyage en Colombie.
Par contre, ça m'est arrivé de me sentir seule, fréquemment. Je travaille beaucoup et je me consacre toujours à 100% à mon travail, ce qui ne me rend pas toujours service.
Si tu devais recommencer, tu le ferais à nouveau ?
Exactement pareil ou tu changerais quelques détails ?
Oui je le referais, ça a été la meilleure décision de ma vie. J’ai eu beaucoup de chance et je ne suis pas timide alors j’ai fait de belles rencontres. Cela dit, même si ça fait bientôt 4 ans que je vis ici, ça n’a pas toujours été facile. J’ai failli rentrer plus d’une fois (déceptions amoureuses, patrons irrespectueux, différences culturelles trop fortes – surtout professionnellement). Mais bon, je suis tenace !
Si tu devais nous donner un seul conseil avant de partir vivre seule à l’étranger, lequel serait-ce ?
Pardon d'avance, ça ne va peut-être pas vous plaire mais c’est une réalité : nous les français, on est très fiers de notre culture, de notre langue. Ce serait bien de ne pas arriver comme un conquérant ni vouloir imposer sa culture, sa façon de travailler, mais au contraire de s’adapter aux traditions et à la culture du pays dans lequel on s’installe; ça vaut pour la vie personnelle comme professionnelle. Les colombiens ont leur caractère, ils sont susceptibles aussi. Par exemple, si vous voulez manager une équipe, le management comme on le connaît en France, ça ne fonctionne pas. Au contraire, vous allez vous mettre votre équipe à dos. Le mieux est de commencer par travailler en entreprise sous les ordres d’un manager local et d'apprendre sa façon de manager. Je ne dis pas qu’il faut absolument copier son management mais équilibrer le management de votre équipe entre votre style et le style colombien.
Je conseillerais aussi d’apprendre l’espagnol avant de partir. Et de manière plus large, un conseil qui ne vaut pas juste pour la Colombie : pour s’en sortir à l’étranger, il ne faut pas avoir peur d’aller parler aux gens, de prendre des claques, de vivre des déceptions de toutes sortes. En fait, c’est la meilleure formation qui existe. N’attendez rien des autres et battez- vous !
J’ envisage également un départ en Colombie après 5 ans en Andalousie et votre article me conforte désormais dans mon projet. Merci pour ce témoignage franc, complet et instructif